UNE SYNTHESE ET MISE EN PERPSECTIVES

(texte écrit en septembre 2019)

Par Jacques Theys, vice-président de la Société Française de Prospective 

Confrontés à un risque pour l’humanité sans précédent, un nombre croissant d’institutions et d’acteurs économiques ou sociaux du monde entier mettent désormais tout leur espoir dans la réussite d’une transition écologique – qui seule permettra d’éviter des impasses insurmontables non seulement pour les générations futures, mais pour la grande majorité de celles qui vivent aujourd’hui. C’est en tout cas désormais une des priorités majeures – si ce n’est la première priorité affichée – des politiques menées tant en France qu’à l’échelle européenne [2]. Au-delà des responsables politiques, il s’agit d’une préoccupation exprimée par une part de plus en plus large de la population française – suscitant à la fois beaucoup d’angoisse et des formes extrêmement diversifiées d’engagement et d’innovation. Bien qu’encore imprécises et parfois contradictoires, les attentes d’action dans ce domaine sont en effet devenues sensiblement plus fortes qu’il y a quelques années   – comme en témoigne, par exemple, le fait que désormais les craintes liées à la crise écologique viennent en France à égalité avec celles relatives à la pérennité du système de protection sociale ou à l’évolution du pouvoir d’achat[3] .

Pour une part importante, le succès ou l’échec de cette transition – qui est autant subie que choisie – va dépendre de ce qui va ou pas se passer dans les territoires et à l’articulation entre ceux-ci. Même si les enjeux sont en large partie globaux , les acteurs des territoires – collectivités locales mais aussi entreprises , professionnels , exploitants agricoles , société civile , habitants… – disposent en effet de très nombreux leviers pour agir sur presque tous les facteurs qui sont à la source de la crise écologique – la localisation des activités , l’utilisation de l’espace , la mobilité , les modes de vie et de consommation , l’habitat , mais aussi – pour une part moindre –  la production d’énergie , les systèmes de production ou de distribution, les pratiques agricoles , l’exploitation et le recyclage des ressources  , la conservation et l’entretien du patrimoine naturel …Ce sont aussi les territoires et leurs habitants – et notamment les plus vulnérables d’entre eux –  qui vont être les premiers concernés par les changements majeurs qui vont affecter le climat ,  les écosystèmes ou les ressources naturelles – et vont devoir trouver les moyens de s’y adapter.  C’est enfin à l’échelle des territoires que pourront le mieux être valorisés les cobénéfices de la transition à venir – mais aussi être gérées les éventuelles contradictions ou tensions entre les dimensions économiques, sociales et écologiques de celle-ci – notamment celles liées à la reconversion de certaines activités, ou aux changements de modes de vie[4]

Concilier la nécessité d’une action urgente en matière écologique et la volonté – toute aussi forte – de réduire ou ne pas accroitre les inégalités sociales et les disparités territoriales ne va pas, en effet, de soi … Malgré les injonctions du développement durable, l’expérience montre que les politiques de l’environnement menées dans le passé n’ont pas accordé à leurs implications sociales ou territoriales toute l’attention que celles-ci auraient dû recevoir [5] . Et le mouvement des Gilets Jaunes, commencé en novembre 2018, a bien mis en évidence qu’il pouvait y avoir des tensions très fortes entre les moyens mobilisés pour conduire la transition écologique et l’objectif d’une plus grande justice sociale ou cohésion territoriale. C’est ce qui explique la grande ambiguïté avec laquelle la transition écologique est perçue – à la fois réponse nécessaire à une menace majeure de catastrophe et source toute aussi forte d’inquiétude pour l’emploi ou le pouvoir d’achat des groupes sociaux les plus exposés et d’aggravation des disparités territoriales déjà existantes. C’est en large partie de la capacité à surmonter cette possible contradiction que dépendront la rapidité et l’ampleur des progrès à venir dans ce domaine, en particulier à l’échelle locale.

Dans cette perspective, il est important d’évaluer de manière aussi objective que possible là où il peut y avoir potentiellement conflit ou – au contraire complémentarité – entre ces deux impératifs. Mais l’enjeu n’est pas seulement de prendre conscience des risques ou des opportunités qui pourront résulter de la transition écologique à venir – dans la diversité de ses composantes – et d’imaginer les chemins à suivre pour l’articuler le mieux possible avec l’objectif de cohésion territoriale (ou sociale). Le défi est plus global et concerne la manière d’appréhender le ou les territoires eux -mêmes, les façons d’y vivre ou d’y travailler, leurs modes de coopération ou de gouvernance, les notions de ménagement ou d’aménagement … C’est une nouvelle conception du territoire, de ses relations à la biosphère, de son appropriation démocratique et même de son développement qui s’invente – à l’heure de la Grande transition[6] et de l’anthropocène….  Une nouvelle étape aussi dans les relations entre environnement et aménagement du territoire.

 Une nouvelle étape des relations entre environnement et aménagement du territoire

Même si le contexte actuel n’a plus rien à voir avec les décennies passées, la volonté de rapprocher transition écologique et cohésion territoriale prend en effet place dans une histoire déjà longue des relations entre environnement et aménagement du territoire. Il faut rappeler – car c’est une spécificité propre à la Franceque la politique de l’environnement y a été à l’origine très largement portée par celle d’aménagement du territoire. Les agences de l’eau – premières expériences de gestion en bien commun d’une ressource -, les parcs régionaux, le Conservatoire du littoral, l’aménagement intégré du littoral aquitain, les premières réflexions sur la construction de cartes de contraintes écologiques[7]  et même le ministère de l’environnement… sont nés d’initiatives lancées par la DATAR entre le milieu des années 6O et le milieu des années 7O. Si l’on y ajoute la Loi d’orientation foncière de 1967 et la politique des villes moyennes, on constate que la dimension environnementale était donc fortement présente dans la conception originelle de politiques d’aménagement du territoire. Et que la façon de concevoir les politiques écologiques naissantes intégrait aussi plus que dans beaucoup d’autres pays la dimension spatiale et du cadre de vie.

« Commencées en commun les histoires de ces deux politiques se sont cependant très rapidement poursuivies séparément. »[8] . Avec la crise de 1973 et la mise en place d’une administration spécifiquement en charge de l’environnement  , et suite à la décentralisation de 1982 , la politique d’aménagement du territoire , restreinte dans ses ambitions , se recentre sur des objectifs essentiellement économiques – sauvetage ou reconversion des régions économiques en difficulté, accompagnement de la métropolisation , soutiens sectoriels à des projets essentiellement portés par les collectivités locales , renforcement de l’attractivité globale du territoire … L’environnement n’y est envisagé que comme une ressource ou une vocation pour des espaces ruraux marginalisés ou comme support d’activités touristiques … De son côté, la politique de l’environnement se structure autour d’objectifs sectoriels – lutte contre les pollutions, protection de la nature, gestion des risques – en faisant l’économie d’une vision globale de ses effets territoriaux ou des inégalités écologiques …qu’elle ne cherche pas à corriger. Malgré les études d’impact ou l’intégration du développement durable dans la planification spatiale elle n’aura à aucun moment pendant quarante ans les moyens d’infléchir quelques-unes des tendances pourtant les plus  déterminantes dans  la dégradation des conditions écologiques – y compris pour les émissions de gaz à effet de serre et la perte de biodiversité : le cumul des problèmes sociaux et écologiques  dans les mêmes régions ou quartiers ,  la concentration d’une part croissante de la population et des activités dans les métropoles ,  l’étalement urbain, le suréquipement et le morcellement du territoire , la dépendance à l’automobile , le rétrécissement du réseau ferré , l’intensification de l’agriculture …Les tentatives , engagées à plusieurs reprises , de fusion institutionnelle entre l’environnement et l’aménagement du territoire auront été trop courtes pour contrebalancer les effets de cette coupure entre approche sectorielle et approche territoriale – que même le rapprochement de 2007 avec l’Equipement et la partie énergétique du ministère de l’industrie n’aura pas finalement réussi à effacer … C’est aux acteurs locaux qu’il est donc revenu de réaliser cette intégration – sans que toutes les compétences et les financements pour le faire efficacement leur aient été déléguées à la hauteur des enjeux …

Le passage à la transition écologique ouvre une nouvelle étape qui, d’une certaine façon, devrait refermer la parenthèse ouverte au milieu des années 7O. Il impose de revenir à une intégration beaucoup plus forte des logiques environnementales et des logiques territoriales – et ceci à tous les niveaux , de l’Europe aux quartiers – non seulement parce que c’est d’abord l’organisation des territoires et leurs acteurs qui sont concernés ( de la production d’énergies renouvelables à l’organisation de la mobilité en passant par la résilience … ) ; mais aussi parce que l’enjeu n’est plus uniquement de mettre en œuvre des mesures sectorielles  – pour l’air , l’eau , les déchets , la nature ou même l’énergie … mais de changer des modèles de développement , des systèmes urbains ou ruraux , des modes de gestion des communs … – et que cela passe  à la fois par un décloisonnement des politiques économiques , sociales  ou environnementales et une articulation multi échelle des responsabilités territoriales . Chacun s’accorde à dire que cette intégration des deux logiques est fondamentale pour la réussite de la transition écologique – et d’ores et déjà de nombreux dispositifs publics, comme les contrats de transition écologique ou les SRADDET, vont dans ce sens. Mais rien ne sera possible si leur mise en œuvre ne contribue pas, en même temps, à réduire de manière plus globale les fractures territoriales.

 La transition écologique au-delà du développement durable : une rupture d’échelle, d’approche et de temporalité

A priori cette ambition de décloisonnement était déjà celle que cherchait à promouvoir le « développement durable ». Mais outre le fait que les espoirs justifiés mis dans celui-ci n’ont pas été tenus[9] , il existe en réalité d’importantes différences et discontinuités entre développement durable et transition écologique. D’abord le contexte n’a plus rien de comparable avec celui des années 90-2000, avec une accélération qui n’était pas anticipée du dérèglement climatique et de la dégradation des ressources ou des écosystèmes – et un changement majeur d’échelle et de temporalité des enjeux. En conséquence de ce saut qualitatif, il ne s’agit plus seulement de mettre en place des politiques spécifiques d’environnement, ni même d’intégrer celui-ci dans une nouvelle conception de l’économie , du social  ou du bien-être – ce qui était l’objet du développement durable ,  mais de conduire dans un temps relativement limité une transformation et une adaptation  en profondeur des modes de vie et de production et des structures agroindustrielles – de nos façons d’obtenir et de consommer l’énergie , d’habiter , de nous déplacer , de nous alimenter , d’organiser nos loisirs , de nous protéger contre les risques , de commercer avec les autres …La particularité de ces transformations est qu’elles donnent un rôle central à la fois au temps et à l’ensemble des territoires ou acteurs sociaux dans toute leur diversité. L’enjeu n’est plus uniquement de définir ce que pourraient être les objectifs d’un autre développement mais de se donner les moyens d’opérer une bifurcation rapide vers ceux-ci pour éviter des catastrophes majeures – sans en éluder les graves conséquences sociales ou économiques.

La transition écologique – et c’est dans sa définition même – se distingue aussi des politiques passées par une intégration beaucoup plus forte des limites et opportunités liées à la nature et des connaissances issues de l’écologie. L’idée est que la nature – avec ses modes de fonctionnement, ses temporalités et ses échelles spécifiques – peut être non seulement un problème mais aussi une solution, un modèle à imiter. Ceci se décline à travers une multiplicité d’axes de transformation considérés comme indispensables à la réussite de la transition : priorité donnée aux ressources renouvelables, végétalisation des villes et aménagement d’ infrastructures écologiques , passage à une économie symbiotique ou à une bioéconomie , mimétisme écologique et développement de technologies appropriées, permaculture, agroécologie ou foresterie, écologie circulaire, industrielle ou territoriale, alimentation biologique et usage de produits « naturels » , inversion des rapports à la nature et aux animaux – et , finalement ,  meilleure appropriation des  notions de d’interdépendance globale , de cycle , de métabolisme , de résilience … L’écologie sort du cercle des spécialistes ou des militants pour entrer dans l’économie et la vie de tous les jours. C’est aussi toute une nouvelle conception des relations à la nature qui émerge dans laquelle il ne s’agit plus seulement de protéger certaines espèces ou espaces mais de penser les activités humaines en interaction étroite – en symbiose – avec elle à la fois dans le temps et à toutes les échelles territoriales, du plus proche au plus lointain [10] .

Enfin, on ne peut pas ignorer le fait que la transition écologique comporte une dimension culturelle et politique beaucoup plus marquée que ce n’était le cas dans une certaine pratique passée du développement durable, souvent critiquée pour son technocratisme ou son économisme. Sans doute suppose t’elle la création et la mise en œuvre de connaissances, de dispositifs, de compétences et d’innovations techniques très spécifiques et multiples. Mais sa réussite dépend tout autant de changements importants dans les systèmes de valeurs, les pratiques sociales, les formes de solidarité, les modes de mobilisation démocratique et finalement de mesure du bien-être et de la richesse. L’expression ne renvoie pas en effet seulement aux préoccupations anciennes d’efficacité, de découplage ou de précaution, mais aussi à celles de sobriété, d’usage (plus que de propriété), de proximité, de qualité de vie, de bien être, de « care » – ou encore, à un niveau plus collectif, de justice écologique, de bien commun, de coopération, de solidarités territoriales ou planétaires … Et surtout elle sous-entend des formes de responsabilité, d’engagement, et d’action collective très différentes des processus verticaux ou procéduraux qui avaient souvent prévalus dans le passé – avec plus de décentralisation et d’autonomie d’action (ou « d’empowerement »), mais aussi de dialogue démocratique, de décloisonnement et de fonctionnement en réseaux ou multi échelle. Certains y voient d’abord un ensemble de procédures nouvelles ou de dispositifs institutionnels liés, notamment, à la transition énergétique. Mais il ne faut pas oublier que si ce mot de transition s’est imposé c’est parce qu’en 2007-2008 des citoyens et des habitants – à l’initiative de Rob Hopkins – se sont mobilisés, à travers le mouvement des « villes en transition », pour faire face eux-mêmes à la crise écologique[11]. C’est aussi un renversement des relations traditionnelles au politique.

Le mot de rupture résume bien ce qu’implique les trois changements qui viennent d’être évoqués. Rupture dans l’échelle des enjeux, dans les valeurs culturelles et les attachements à la nature, dans les modèles économiques, dans les modes d’action et de décision collective, dans la notion de territoire elle-même … Et c’est ce qui justifie en effet une transition, cette fois ci comme délai, comme chemin et dynamique de transformation. Dans cette perspective, la question majeure, comme l’écrit dans ce rapport L. Bourdeau Lepage, n’est pas seulement celle du sens des mutations en cours ou à venir, mais de leur rythme – avec une opposition entre ceux qui défendent une vision gradualiste de cette transition écologique et ceux qui – comme près de 40% des personnes interrogées à un récente enquête du Forum Vie Mobile [12] – pensent que seule des transformations radicales (« une thérapie de choc ») pourront être à la hauteur des défis à venir[13] . La dimension temporelle est essentielle dans la transition en cours et c’est, par exemple, ce qui distingue la transition énergétique actuelle – sous contrainte climatique – de celles qui ont eu lieu dans le passé. Une étude très intéressante faite sur l’agglomération de Tours dans le cadre d’un programme sur la « Ville post carbone » a bien montré, par exemple, que le choix de l’horizon et donc des délais était déterminant dans le choix des stratégies d’action à mettre en place – et qu’il y avait un « gap » quasi insurmontable entre les objectifs fixés dans le Plan Climat et le SCOT à l’horizon 2025 et les politiques indispensables pour atteindre celui d’une ville post carbone en 2050[14]. L’analyse des convergences ou divergences possibles avec l’impératif de cohésion territoriale ne peut pas s’abstraire de cette question des temporalités – avec le double constat d’inerties dans l’action qui demeurent importantes et de changements dans les attentes et la situation écologique qui, eux, sont rapides et pourraient demain s’accélérer très fortement. La rupture est aussi en partie déjà là…

Transition écologique et cohésion territoriale : convergences possibles et risques de divergences

La crise des gilets jaunes n’a fait que confirmer l’importance décisive pour le succès de la transition écologique de sa capacité à prendre pleinement en compte ses conséquences sociales et territoriales – à bien anticiper et si possible ne pas créer de nouvelles fractures, et contribuer à la réduction de celles qui existent. Inversement, la cohésion territoriale – en donnant à chaque territoire la possibilité de s’adapter et d’assumer ses responsabilités – ne pourra que renforcer les chances de réussite de cette transformation : tous les facteurs qui vont dans les sens d’une plus grande cohésion[15] (solidarité, qualité de vie, coopération, développement du capital social, empowerement …) sont aussi des conditions favorables à la mise en œuvre de la transition. Il y a donc entre ces deux objectifs une convergence à priori très forte.

 Accélérées depuis la crise de 2008, les fractures territoriales actuelles sont liées à une histoire déjà longue et ont été identifiées depuis longtemps[16] . Elles ont déjà été évoquées, mais Il est cependant utile de les rappeler pour constater qu’elles concernent toutes les échelles territoriales et qu’elles ont toujours des composantes à la foiséconomiques ou sociales, mais aussi écologiques. Même si chaque situation locale est spécifique, on sait qu’elles résultent, pour l’essentiel, de quatre grandes tendances:

  • La polarisation croissante des activités sur une part restreinte du territoire – les métropoles (et notamment leurs parties centrales), la région parisienne, l’ouest de la France, la vallée rhodanienne et les régions touristiques – qui sont aussi soit les plus riches écologiquement et les plus vulnérables au changement climatique (littoraux, estuaires, stations de sport d’hiver …), soit confrontés (pour les métropoles) à des problèmes internes de cohésion sociale et de qualité de vie[17];
  • Le risque, en conséquence de la tendance précédente, d’une partition du pays en deux – ou quatre – sous-ensembles – et de marginalisation, décrochage ou grande vulnérabilité d’une partie importante du territoire : arc Nord-est de la France, anciennes régions industrielles, espaces ruraux isolés, certaines villes moyennes ;
  • La concentration sur les mêmes territoires – banlieues pauvres, quartiers prioritaires de certaines villes, territoires industriels ou d’ancienne industrie, et une partie des DOM – TOM… des inégalités écologiques, économiques, sociales, les plus importantes. Comme le montrent les exemples du département de la Seine Saint Denis et de Roubaix – Tourcoing -Wattrelos[18] , ces espaces cumulent en effet  à la fois des taux de chômage et de pauvreté  deux ou trois fois supérieurs à la moyenne ; des espaces publics, un patrimoine immobilier et des services urbains dégradés ; des niveaux de bruit et de pollution de l’air plus élevés ; une déstructuration du cadre de vie liée aux effets de coupure des infrastructures ; et une exposition aux risques industriels au moins deux fois plus forte que dans les territoires comparables…. ;
  • Et enfin la poursuite de l’étalement urbain à un rythme et avec une intensité beaucoup plus forte que dans les pays européens voisins [19] – avec ses conséquences en termes de consommation d’espace, de disparition de la biodiversité ou d’émission de gaz à effet de serre, et la constitution, dans la seconde périphérie des villes, d’une autre forme d’enclavement des territoires – avec des habitants éloignés des emplois et des services publics et complétement dépendants de l’automobile – à laquelle ils consacrent jusqu’à 20 ou 25% de leur budget.

 Si rien ne change ces inégalités vont continuer à s’accroitre, une partie croissante du territoire sera marginalisé, la dégradation de l’environnement va se poursuivre. C’est dans ce contexte que s’inscrit la transition écologique, avec à la fois des solutions à apporter mais également des sources possibles de nouvelles instabilités ou vulnérabilités qu’il faut pouvoir anticiper et intégrer dans les politiques publiques. 

La transition écologique a comme vertu majeure de justifier une reterritorialisation générale des activités et des préoccupations socio politiques – sans en exclure aucune catégorie particulière.  En valorisant de nouvelles ressources – naturelles ou immatérielles -, réduisant les dépendances et les vulnérabilités, privilégiant la qualité de vie et la proximité, diversifiant les modèles économiques et d’innovation ou suscitant des formes inédites de mobilisation et d’engagement, elle a potentiellement la capacité d’apporter des solutions à chacun d’entre eux, et de réduire les fractures qui les fragilisent. Elle peut ainsi  permettre à des villes marquées par l’industrie de retrouver une nouvelle vocation (Loos en Pévèle, Grande Synthe) ou à des territoires ruraux, périurbains ou d’Outremer de s’inscrire dans des trajectoires de développement beaucoup plus durables : la très grande majorité des 400 territoires à énergie positive (TEPOS) sont en région rurale et ce qui est engagé , notamment ,  à la Réunion ou à la Martinique , ouvre la perspective d’une autonomie énergétique et alimentaire pour tous les territoires d’outre-mer[20]. En mettant en avant l’importance de la nature en ville et les relations santé-environnement-qualité de vie elle prépare l’adaptation des métropoles au changement climatique et réduit l’insatisfaction croissante de leurs habitants par rapport aux conditions de vie[21]. En reconnaissant – après des décennies de silence – l’existence de très fortes inégalités écologiques, elle peut être un levier très efficace pour poser de manière générale la question du cumul des inégalités dans les quartiers ou territoires défavorisés, y réduire la précarité et y justifier des investissements importants – et donc la création d’emplois locaux – par exemple dans la rénovation des logements ou des infrastructures vertes [22]. Inversement, le constat de ces déséquilibres liés à la polarisation des populations et des activités peut redonner toute leur place aux villes moyennes (y compris celles du périurbain) – qui ont un rôle majeur à jouer dans le développement durable du territoire[23]. Enfin, la transition écologique doit pouvoir apporter des solutions socialement acceptables à l’enclavement des périphéries urbaines car c’est à la fois la condition pour aller vers des villes post carbone et la seule façon d’éviter pour les familles qui y habitent des impasses futures et, en particulier, des coûts en transport ou en chauffage de plus en plus insupportables. Redensifiés autour d’axes de transport publics et de quelques pôles, ces espaces peuvent être des lieux d’innovation privilégiés pour les écoquartiers, le photovoltaïque et la rénovation énergétique de l’habitat, pour de nouveaux systèmes de mobilité, ou pour l’économie numérique, l’agriculture urbaine et les loisirs de proximité : un exemple réussi d’hybridation ville – nature [24] .

La cartographie des projets liés à la transition écologique montre, en effet, que leur répartition couvre à peu près toutes les catégories de territoires – même s’il existe des expériences plus significatives que d’autres et des « hauts lieux de la transition »[25] . Mais pour qu’elle contribue réellement à la réduction des fractures qui existent entre eux encore faudra-t-il que sa dynamique soit beaucoup plus forte, et surtout que l’objectif de solidarité sociale ou territoriale et de justice écologique ou climatique qu’elle met théoriquement en avant trouve une traduction concrète à la fois au niveau national et sur le terrain. Cela suppose en premier lieu que les contraintes qu’elle impose – qui vont être importantes – ne pèsent pas d’abord sur les territoires ou les groupes sociaux les plus vulnérables (comme cela a été récemment le cas pour la taxe carbone) – et donc qu’on anticipe sérieusement leurs conséquences redistributives. Mais cela nécessite aussi, à l’inverse, qu’elle ne bénéficie pas essentiellement à ceux qui sont déjà les plus favorisés. Comme l’histoire l’a montré, l’écologie peut en effet aussi être un facteur important de discrimination, d’exclusion ou d’accroissement des inégalités[26]. Parce qu’elle valorise la haute qualité environnementale et l’initiative locale ou individuelle, la transition écologique peut très bien renforcer cette tendance – compte tenu des énormes différences de moyens qui existent entre collectivités ou habitants. Il a donc un risque non négligeable qu’elle favorise les centre villes, les banlieues les plus riches, les villes moyennes et les espaces ruraux déjà les plus attractifs ou disposant de ressources et de patrimoines exceptionnels. Rien n’est donc gagné par avance.

Cette mise en balance des opportunités et des risques pour la cohésion territoriale ne doit pas en outre s’évaluer seulement à moyen terme – à l’aune des projets déjà envisagés dans le cadre de la transition énergétique ou alimentaire ou des politiques de préservation de la biodiversité. Il faut d’ores et déjà intégrer la possibilité d’évolutions beaucoup plus rapides de l’environnement et du climat, et l’éventualité de basculements sociaux ou économiques d’amplitude beaucoup plus grande que ceux qui sont anticipés actuellement. Même s’il s’agit d’une menace globale, le changement climatique déjà en cours ne va pas affecter de la même façon les différents territoires et ceux-ci n’auront pas nécessairement les mêmes moyens pour s’y adapter – ce qui va créer de nouvelles inégalités. D’ores et déjà la fonte très rapide des glaciers et la hausse des températures soulève, par exemple, des questions sur l’avenir du tourisme d’hiver dans les régions de montagne, et ces interrogations valent aussi pour les constructions et les infrastructures sur le littoral, la gestion des zones inondables, ou celle des ressources en eau dans certaines régions[27]. A cela il faut ajouter les conséquences possibles des mesures qui vont devoir être prises pour réduire d’ici 2030 de 4O% (par rapport à 1990) les émissions de CO2 ou contenir les autres dégradations de l’environnement dans des limites acceptables. Les changements profonds dans la consommation, les modes de vie, la mobilité , les modes de production ou d’occupation de l’espace qui en résulteront nécessairement iront très au-delà  des questions de l’énergie , de l’alimentation et des transports et pourront créer de nouvelles fractures territoriales majeures s’ils ne sont pas anticipés suffisamment tôt, et si la capacité n’est pas donnée aux acteurs locaux de préparer les reconversions nécessaires, de tirer rapidement parti des opportunités ouvertes, et de réagir à l’imprévu. Bref la politique de cohésion territoriale ne va plus pouvoir se gouverner seulement comme une question de réduction de disparités « acquises », mais aussi comme un problème de gestion des risques – et éventuellement des catastrophes – en situation de forte incertitude. L’image qui peut exprimer cette situation est celle de plaques tectoniques qui se chevauchent avec des risques imprévisibles d’éruptions volcaniques ou de tremblements de terre[28]. La réponse souvent donnée à cette perspective de forte instabilité et de possibles ruptures est la mise en œuvre de stratégies de résilience locale et de réduction des vulnérabilités. Mais celles-ci ne peuvent être l’unique horizon de l’action publique. Mieux articuler transition écologique et cohésion territoriale passe aussi par un investissement massif dans la diversification des modèles de développement et d’activité, et par des transformations majeures dans la gouvernance et les modes de solidarité ou de coopération entre territoires. A plus long terme il faut même envisager que ce soit toute la conception de l’aménagement du territoire des quarante dernières années qui devra être fondamentalement modifiée.

 Diversifier les modèles de développement et d’activité : retour de la proximité ou nouveaux réseaux ?

Traditionnellement, la réussite des politiques écologiques – comme d’ailleurs de beaucoup d’autres politiques publiques – a reposé pour l’essentiel sur un tryptique : le choix   et surtout la mise en œuvre d’incitations ou de réglementations adaptées, la capacité à financer puis à engager les investissements nécessaires, et enfin le développement puis la mise sur le marché de solutions – le plus souvent techniques. Ce modèle de « modernisationécologique » s’appuyant sur l’application d’instruments de politiques publiques, l’investissement, et l’offre de technologies spécifiques par les secteurs ou les entreprises existantes, garde naturellement toute sa place dans la transition écologique actuelle. A l’échelle des territoires cela veut dire que le succès ou l’échec de la transition et ses impacts géographiques dépendront pour une part encore très importante des volontés politiques locales, des moyens mobilisés pour contrôler  l’application des normes ou des réglementations, des ressources et systèmes financement, et de l’aptitude à susciter l’innovation et la création d’emplois et d’activités dans tous les domaines concernés par la transition écologique  ( du photovoltaïque  à la «  smart city » en passant par le recyclage , la rénovation des logements  ou l’entretien de la nature) …Il faut rappeler que globalement la transition écologique favorise la reterritorialisation des activités et la création d’emplois : dès qu’on déplace, par exemple , un euro de la consommation d’énergies non renouvelables vers n’importe quelle activité contribuant à la transition énergétique ( rénovation des habitants , transports publics … ) on crée des emplois , le plus souvent non délocalisables[29]. Globalement c’est, à l’échelle de la France, la création nette de 350000 emplois qui est attendue de sa mise en œuvre à l’horizon 2035[30]. Où se localiseront ces investissements, ces emplois ou ces industries du futur ? Où devront avoir lieu les reconversions nécessaires ? Quelles seront les nouvelles régulations et comment seront-elles appliquées localement ? Ce sont naturellement des questions majeures pour la cohésion territoriale.

Mais ce modèle de « modernisation écologique » a au moins deux limites. D’abord il surestime la capacité des technologies et des investissements (notamment dans les infrastructures) à apporter des solutions satisfaisantes – compte tenu à la fois de leur coût, de leurs contraintes d’utilisation et de leurs impacts écologiques : plusieurs travaux convergents ont en effet montré que leurs apports ne pouvaient représenter qu’environ la moitié du chemin à parcourir[31]. Ensuite et surtout il n’est pas à la mesure des enjeux de la transition écologique qui supposent une mise en mouvement de toute la société et une modification radicale des rapports aux territoires et aux écosystèmes. D’autres modèles d’action collective ou de développement sont donc nécessaires qui articulent une prise en compte beaucoup plus forte du fonctionnement de la nature, une implication beaucoup plus directe des habitants et des consommateurs, un changement des pratiques et des modes de vie, une adaptation aux spécificités et besoins locaux et de nouveaux modèles économiques viables sur le long terme. Ce sont ces modèles qui sont aujourd’hui expérimentés à travers une multiplicité d’initiatives locales. Et l’on sait qu’une autre part – là aussi déterminante – de la réussite ou de l’échec de la transition future va se jouer sur la soutenabilité et la diffusion à grande échelle de ces innovations.

C’est aussi la configuration du territoire français de demain qui se joue dans cet ensemble de transformations. Tous les nouveaux modèles de production ou de consommation qui s’expérimentent dans la transition écologique – qu’il s’agisse de l’agroécologie, de l’écologie territoriale, de l’économie circulaire, des circuits courts, de l’économie de la fonctionnalité ou des systèmes d’échanges et monnaies locales – ont la particularité de mettre le territoire et notamment le territoire procheau centre de leurs réflexions [32] . Ce « retour de la proximité » est d’abord directement lié à l’intégration des préoccupations  écologiques –  que synthétise la notion de « métabolisme durable »proposée par Sabine Barles [33] : la substitution de ressources non renouvelables importées par des ressources renouvelables locales , la construction de chaines locales de réutilisation des déchets et de la chaleur , la réduction des déplacements dommageables pour l’environnement , l’attention au patrimoine et à la nature proche – ce qui rejoint dans leurs objectifs  les notions de «  ville des courtes distances » , de « mixité fonctionnelle »   (visant à rapprocher les lieux de travail et d’habitat) ,  de « tourisme de proximité » , ou de « production- valorisation en circuit fermé » …Mais il est aussi la condition pour que ces nouveaux modèles puissent fonctionner, dans la mesure où tous supposent une coopération très étroite entre les habitants , les entreprises et les collectivités locales – et une connaissance partagée des ressources matérielles et immatérielles et des externalités dont ils disposent ou dépendent à l’échelle de leurs territoire commun[34]. Ajoutons que ces préoccupations rejoignent celles d’une part croissante de la population, de plus en plus sensible à la qualité de l’environnement et des aliments – qui reste attachée à une démocratie de proximité et souhaite éviter des déplacements de plus en plus longs et couteux, y compris pour accéder aux services publics.

Les expériences déjà existantes montrent qu’on peut attendre beaucoup de l’extension à grande échelle de ces nouveaux modèles de proximité – que ce soit en termes de cohésion sociale, d’insertion, de développement local ou de réponse aux enjeux écologiques. Tous ont pour caractéristique de mettre l’accent sur les ressources immatérielles et d’être riches en emploi. Ils sont aussi les seuls à pouvoir surmonter certains obstacles à la transition actuelle : l’économie de la fonctionnalité, par exemple, peut permettre de trouver une réponse aux besoins de déplacement dans les banlieues urbaines éloignées ou les régions rurales, grâce à la coconstruction, avec les habitants et les collectivités locales, de services de mobilité. A une échelle plus globale, ils ouvrent un chemin de développement plus durable pour des territoires qui sont souvent en marge de l’économie mondialisée, et favorisent en principe une relocalisation des activités[35] .

Mais il ne faut pas cependant sous-estimer les obstacles qui s’opposent à la fois à ces changements de modèle économique et à une nouvelle géographie revalorisant la notion de proximité. Il y a d’abord celui de la complexité. La mise en place de circuits courts, par exemple, suppose à la fois une transformation des pratiques agricoles, la disponibilité d’une offre foncière, la prise en compte des enjeux de biodiversité, la création de lieux de transformation et de circuits de distribution et surtout un changement des modes de vie des consommateurs[36] . Un exercice récemment réalisé pour l’ADEME sur la prospective de la fonctionnalité à l’horizon 2050 a aussi montré que la diffusion de celle-ci à grande échelle était conditionnée par de nombreux facteurs externes – y compris réglementaires[37] . Même le développement des ressources renouvelables en zone rurale pose problème et ne répond pas à toutes les attentes de ceux qui s’y investissent – notamment les agriculteurs – en raison d’un mode de redistribution de la valeur produite qui ne leur est pas favorable[38] . Et surtout l’équilibre financier de tous ces nouveaux modèles repose en large partie sur la monétisation d’externalités ou de services rendus à titre gratuit, des changements de fiscalité (espaces naturels, prélèvements de ressources)[39] , l’octroi de subventions et surtout un basculement – encore improbable – de la demande du public ou des modes de vie.  Bref, on est encore loin d’une situation où leur soutenabilité à long terme serait assurée.

La notion de proximité soulève aussi de nombreuses interrogations. Parle t’on du quartier, de la commune, du bassin de vie, de la biorégion ?  N’est-elle pas incompatible avec les contraintes d’emploi, de logement et d’éducation et avec les demandes, elles aussi croissantes, d’accessibilité la plus large à la consommation, aux loisirs et aux services – dans un monde qui fonctionne en réseau étendu à l’échelle du monde ? Depuis toujours écartelé entre le global et le local, l’écologie a depuis longtemps été confrontée à ces questions et y a apporté des réponses, mais qui restent encore partielles.

D’abord il ne s’agit pas, à travers la notion de proximité, de rechercher une autonomie à petite échelle – non seulement inaccessible mais qui n’aurait pas de sens du point de vue écologique : Sabine Barles, dans sa définition du « métabolisme durable » met, par exemple, l’accent sur la complémentarité villes – campagne dans la mise en place d’une économie circulaire. On est donc plutôt à l’échelle de bassins de vie élargis aux espaces ruraux environnants et des grandes unités écologiques. Les AMAP définissent, de leur côté, la proximité comme un rayon de 150 kilomètres autour des lieux de consommation, ce qui est encore plus large. Ensuite la proximité est multi échelle et va du quartier à des territoires qui peuvent être situés à l’autre bout de la planète : elle passe aussi par la reconnaissance de liens de dépendance ou de solidarité avec d’autres populations ou d’autres ressources lointaines. Enfin, elle peut aussi avoir une définition institutionnelle, hors de toute notion de distance, à partir de la gestion en bien commun d’une même ressource ou d’un espace   – comme c’est le cas pour les Agences de l’Eau ou les Parcs régionaux. L’attachement à la proximité ne signifie donc pas nécessairement enfermement sur soi-même. Il est certain, en revanche, que la transition écologique peut poser des problèmes d’accessibilité et suppose implicitement de redéfinir celle-ci. En retreignant l’usage de moyens de transport émetteurs de gaz à effet de serre, ou la construction de certaines infrastructures elle remet évidemment en cause le rôle majeur qu’a pu jouer l’automobile comme « variable d’ajustement de l’aménagement du territoire ». Certes , comme le remarque Cyria Emelianoff[40] , l’accessibilité ne se confond pas avec l’accès à l’automobile ( les alternatives sont nombreuses)  et – notamment grâce au numérique – est multiple et ne nécessite pas nécessairement de déplacement : accès à la connaissance , à la communication , au télétravail , aux relations de voisinage ou à la nature,  au commerce à distance…Certes aussi la notion d’accessibilité est en elle-même contradictoire :  l’accès à la mobilité contredit celle d’un air de bonne qualité ; l’accès à la maison individuelle celle d’une certaine forme d’urbanité et de proximité aux réseaux et services publics . Elle résulte donc en partie d’un choix de mode de vie qui est fait et doit être assumé. Mais le problème majeur d’une transition juste est que pour une large partie de la population cette liberté de choix est en réalité très limitée – notamment pour des problèmes de logement. Au-delà des solutions à trouver, notamment pour les zones rurales isolées, on est là face à une question majeure qui est non seulement celle de l’accès au logement mais celle de la gestion du foncier – dans une situation où il faudra concilier redensification de l’habitat et demande croissante de nature et de terres agricoles – dans ou à proximité des villes.

En remettant en avant la notion de proximité et en interrogeant celle d’accessibilité, la transition écologique semble être ainsi fortement en décalage avec la nouvelle pensée aménagiste qui met au contraire en avant la mobilité, la déterritorialisation et le rôle majeur des réseaux[41] . En réalité, ce sont d’autres formes de relation, de mises en réseau et d’articulations d’échelles qu’elle cherche à développer. L’importance du local n’y est pas dissociée de l’objectif qui est d’abord de prendre en compte les interdépendances avec le global à travers une chaine d’interactions agissant à toutes les niveaux. Tous les modèles précédents supposent en outre à la fois un partage d’expériences et des approches multi acteurs et systémiques – et donc un fonctionnement en réseaux d’information et d’échanges très ouverts. En définitive, peu de domaines d’action comme la transition écologique ont donné naissance à autant d’ouverture et de formes diverses de coopérations et de fonctionnement en réseaux – entre villes, associations, groupes de citoyens, chercheurs, acteurs économiques, coopératives, niveaux institutionnels …. C’est une autre spécificité qui va clairement dans le sens d’une plus grande cohésion territoriale.

Un enjeu majeur de coopération institutionnelle et d’implication citoyenne

 Cette tension entre proximité et fonctionnement en réseaux ouverts, se retrouve dans le domaine de la gouvernance avec la conviction que la réussite de la transition écologique va dépendre tout aussi bien d’un renforcement de l’autonomie et des responsabilités des collectivité locales, que d’une transformation profonde de leurs modes de coopération et de l’implication, dans ou hors des cadres institutionnels existants, de l’ensemble de la société civile. Si la transition met bien le territoire au centre, elle en remet aussi en cause les frontières et les modes de fonctionnement – à la recherche d’une double articulation entre démocratie représentative et prise en charge par tous des biens et risques communs et entre local, national et global.

Par définition la gestion des écosystèmes et de l’environnement ramène à la singularité des situation locales. Ce qui était déjà évident pour le bruit, la consommation d’espace ou les formes classiques de pollution de l’air vaut aussi aujourd’hui pour les problèmes qui sont au centre de la transition écologique comme l’énergie et le climat, l’économie circulaire, les relations santé – environnement – alimentation, ou la protection de la biodiversité … En France, ces spécificités, ces singularités, sont d’autant plus marquées que notre pays – plus que beaucoup d’autres en Europe – est marqué, tant sur le plan écologique que socioéconomique, par une très grande diversité et de profondes disparités. Celles-ci ne vont faire que se renforcer avec les conséquences du réchauffement – très liés à la géographie. S’engager sur les chemins de la transition suppose donc au préalable de reconnaitre tout ce qui rend spécifique chaque situation locale avec ses opportunités, ses dépendances et ses risques singuliers[42] . C’est une première justification physique et géographique à la décentralisation – à laquelle s’en ajoutent deux autres. D’abord le constat que les collectivités locales disposent de fait déjà de beaucoup des compétences nécessaires à la mise en œuvre de la transition écologique. Et ensuite la conviction que celles-ci devraient être encore étendues pour en aborder plus efficacement toutes les dimensions.

Même si cela n’est pas toujours bien perçu , les collectivités locales ont en effet théoriquement entre les mains énormément de leviers pour intervenir sur la transition écologique : la maitrise du foncier ou de l’urbanisme et la planification des risques ; la  fiscalité locale ;   la  construction de logements sociaux  , de réseaux de chauffage urbain et d’ infrastructures de transport ; la gestion de l’eau , des déchets , des espaces verts , de la mobilité , des cantines scolaires ; le développement et la localisation des commerces et des activités économiques ;  la communication et la possibilité de mobiliser dans la démocratie au quotidien les habitants et les acteurs locaux … Les lois récentes ont étendu ces compétences en matière de production et de distribution d’énergie et ouvert même le doit de décider de normes plus sévères au niveau local que national [43] . La logique de la transition voudrait pourtant que cette décentralisation soit encore renforcée.  La marginalisation des collectivités locales en matière énergétique, qui pouvait s’expliquer dans un contexte de construction des grands réseaux centralisés – ne correspond plus à l’évolution vers des systèmes plus autonomes reposant sur la proximité des ressources et des interventions différentiées sur la demande. La perspective d’aller à terme vers plus de décentralisation énergétique va, en même temps, ouvrir de nouvelles marges d’action : comme le dit Gérard Magnin, faire ce choix, c’est aussi faire celui d’économies locales plus dynamiques qui pourront tirer parti de façon vertueuse d’un circuit économiques et financier alimenté par des dépenses issues des territoires »[44].  L’adaptation au changement climatique devrait, elle aussi, justifier un renforcement de cette décentralisation. Tout cela va faire des collectivités locales des acteurs de plus en plus incontournables de la transition écologique.

Par rapport à l’enjeu de cohésion territoriale cette responsabilité – qui devrait être ainsi centrale – des collectivités locales pose cependant au moins deux grandes questions. La première n’est pas nouvelle – car elle a toujours été au cœur des politiques de développement durable – c’est celle de l’autonomie réelle des structures territoriales et des tensions possibles entre l’extension de la décentralisation et la nécessité de solidarités et de régulations nationales ou internationales.  La seconde est en revanche complétement renouvelée par la transition écologique : c’est celle de la coopération entre territoires. Ces deux questions renvoient à la nécessité – et aux difficultés – d’une gouvernance multi échelle et d’un bon ajustement institutionnel entre trois objectifs qui sont tout aussi légitimes – la « territorialisation » des politiques de transition, leur « terrestrialisation » (contribution aux problèmes planétaires) [45] et le renforcement de la cohésion à l’échelle nationale.

A l’importance des leviers d’action et des responsabilités juridiques qui sont ceux des instances locales doit pouvoir correspondre les moyens réels de les assumer, et – pour reprendre les mots de Jacques Levy [46] – une capacité réelle pour chaque territoire de « définir sa singularité et d’autoorganiser son développement » en fonction des attentes de ses habitants, de ses avantages comparatifs, de sa géographie, de ses ressources et contraintes écologiques spécifiques. Pour beaucoup de communes, d’intercommunalités ou même de départements , cette capacité de choix reste trop réduite par rapport aux enjeux de la transition et cela pose à la fois des problèmes d’autonomie et d’égalité fiscales et financières , de distribution locale des ressources affectées à la transition ( notamment la taxe carbone )  , et d’échelle de décision et de mutualisation – qui , de l’avis de beaucoup d’ experts ayant travaillé sur la gouvernance du climat ou de l’environnement devrait être celle des territoires de vie ou de bio régions – aires urbaines étendues à l’espace écologique proche ou , en zone rurale intercommunalités , pays ou communautés de communes élargies . Cela ne suppose pas nécessairement de nouvelle réforme institutionnelle, mais la volonté de mettre en place, là où elles n’existent pas, des structures de décision et de coordination des moyens adaptées aux spécificités économiques et écologiques locales et capables de piloter des transitions de long terme – comme le sont, par exemple, les parcs régionaux, ou certains EPCI comme Biovallée ou Plaine Commune.

Comme on l’a déjà dit, on ne peut exclure que cette dynamique de décentralisation, intrinsèque à la transition écologique, accroisse les avantages comparatifs des territoires déjà les mieux dotés. Une bonne illustration de ce risque est celle de la décentralisation de la production énergétique. Si à l’instar de Metz et Grenoble – qui en tirent d’ailleurs des bénéfices importants – beaucoup de villes et de communes rurales – devenaient – comme cela se passe en Allemagne – des producteurs majeurs d’énergie, les principes d’égal accès à cette ressource et de continuité territoriale pourraient en être sérieusement affectés. Le rôle de l’Etat et des entreprises publiques nationales devrait donc continuer à être important pour garantir que certains territoires ne soient pas exclus de ces dynamiques nouvelles et qu’au moins la sécurité des plus vulnérables contre les risques majeurs reste assurée. Au-delà des politiques incitatives ou contractuelles qui sont traditionnellement au cœur de l’aménagement du territoire, cela suppose un effort accru de l’Etat pour mieux évaluer les conséquences territoriales de ses propres actions, mais aussi sans doute – la prise en charge à l’échelle européenne ou nationale – dans une perspective de subsidiarité active – des situations manifestement non durables – dans la mesure où elles ne sont pas maitrisables au niveau local et où elles peuvent conduire à des inégalités intolérables[47]. Les pays qui ont le plus progressé sur le chemin de la transition écologique – comme l’Allemagne, la Suisse ou les pays scandinaves – sont aussi ceux qui ont le mieux réussi à assurer cette complémentarité entre initiatives décentralisées et actions nationales, et le même constat pourrait être fait pour les politiques de cohésion. On ne peut attendre de l’activisme local (que ce soit des élus ou des habitants) qu’il assure seul une transition juste – renforçant la cohésion territoriale. Toute aussi importante est une gouvernance multi échelle efficace qui repose sur un contrat et une répartition des rôles suffisamment clairs.

Cette question de la gouvernance multi échelle est absolument centrale dans la conduite de la transition écologique et ne s’applique pas seulement aux relations entre l’Europe[48] , l’Etat et les collectivités locales. Elle concerne toutes les niveaux géographiques – du lieu d’habitat ou de travail jusqu’à la planète – et suppose aussi bien un renforcement à l’échelle locale de toutes le formes de coopération interterritoriales, que, dans chaque espace, ce que Cyria Emelianoff a appelé la « terrestrialisation des politiques publiques » – l’intégration dans l’action de la dimension planétaire. L’enjeu n’est pas seulement celui d’une répartition différente des compétences ou d’une amélioration des nombreux outils de coordination et de planification qui existent déjà aux niveaux des régions, départements, agglomérations ou intercommunalités. Il est de co construire des alliances, des synergies nouvelles sans lesquelles il sera impossible de faire efficacement aux enjeux qui sont ceux de la transition écologique.  Presque tous les problèmes auxquels celle-ci est confrontée n’auront en effet de solutions durables que si les territoires acceptent de coopérer entre eux. Coopération entre villes et campagne pour la mise en place de circuits courts, la production et l’usage d’énergies renouvelables, l’économie circulaire, l’alimentation en eau, l’organisation de la mobilité, la maitrise de l’étalement urbain, la gestion de patrimoines naturels communs, les loisirs de nature. Coopération entre communes littorales et communes de l’intérieur pour l’adaptation au risques climatiques ou la gestion des pressions touristiques. Coopération entre riverains d’un même cours d’eau pour la prévention des risques d’inondation. Coopération entre villes centre et périphéries urbaines pour les infrastructures écologiques, les réseaux de chaleur, l’organisation de la mobilité, l’écologie industrielle, la gestion du foncier… Ces associations ou stratégies conjointes entre territoires allant au-delà des structures institutionnelles existantes commencent à se développer[49].  Mais comme le remarque Elsa Richard à propos des politiques climatiques ou de protection de la biodiversité elles restent encore peu nombreuses : dans le domaine de l’adaptation, par exemple, elles dépassent rarement la mise en commun de moyens de connaissances, de prévision ou d’observation, qu’illustre l’exemple du GIS sur le littoral aquitain. Elles vont aussi exceptionnellement au-delà des territoires les plus proches : il n’y a pas d’exemple équivalant à celui de la ville de Munich qui finance pour ses propres besoins le développement de l’énergie éolienne sur la Baltique. Les outils et les expériences manquent pour organiser l’interterritorialisation hors des cadres institutionnels existants (comme les régions ou les départements) – mais aussi pour développer, de manière plus souple et en collaboration avec tous les acteurs intéressés, la gestion en bien commun de ressources ou de patrimoines[50]. Et, il n’y a pas non plus d’accord sur des règles de justice, sur des principes généraux – permettant de prendre en compte les externalités positives ou négatives entre territoires, ni de système de compensation ou de désincitation en assurant l’application concrète – comme Bertrand Zuindeau l’avait proposé en 2005 [51]. Cela permet, en miroir, de mesurer l’innovation qui avait conduit à créer dans les années 60 – autour de solidarités écologiques – les Agences de Bassin et les parcs régionaux.

Mais la voie institutionnelle n’est pas la seule. Pour un nombre croissant d’acteurs ou de chercheurs, c’est d’abord de la capacité de la transition écologique à mettre en mouvement la société civile dans son ensemble que dépendra à la fois son accélération et sa contribution à la cohésion sociale ou territoriale[52].  AMAP, habitat ou jardins partagés, ressourceries, tiers lieux, épiceries coopératives, monnaies et systèmes d’échanges locaux, énergies renouvelables participatives, mouvements de « villes en transition », agriculture urbaine, plateformes collaboratives ou finances  solidaires , entreprises d’insertion  … : c’est de plus en plus à travers les initiatives prises directement par les habitants, les entreprises de l’économie solidaire , les associations , ou certains acteurs économiques locaux , que s’inventent  ou s’expérimentent les nouveaux modèles de production , de consommation  ou d’activité qui sont au cœur de la transition écologique. Même s’il est difficile d’en faire un décompte précis et si les évaluations divergent, on peut estimer à un chiffre compris entre 5000 et 10000 cet ensemble d’initiatives – ce qui est en soi déjà très significatif. Par leurs objectifs, leur origine citoyenne et leurs formes d’action – essentiellement collaboratives – la plupart contribuent par définition au renforcement du lien social et à la cohésion à l’intérieur des espaces ou des réseaux où elles se déploient.

Mais leur impact sur la cohésion territoriale à une échelle plus large – dans l’ensemble positif – se trouve cependant limité par plusieurs obstacles. Il y a d’abord pour beaucoup d’entre elles la fragilité due à leur statut hybride entre public et privé – avec souvent une difficulté à faire « le saut d’échelle » nécessaire pour s’assurer un développement pérenne. Il y a ensuite une répartition encore inégale sur le territoire national et une capacité encore réduite à mobiliser toutes les catégories sociales : les cartes existantes montrent que si toutes les régions sont couvertes par ces milliers d’initiatives, une part importante d’entre elles se concentrent dans la région parisienne – et surtout que les espaces ruraux et les périphéries urbaines sont encore peu intégrées dans ce mouvement général. Il y a enfin un problème d’équilibre entre les dynamiques centrées sur les besoins individuels ou ceux de communautés (coopératives, projets collaboratifs …), et celles qui concernent les biens communs ou des objectifs publics à l’échelle des territoires. Certes beaucoup d’associations situent leurs actions à une échelle collective plus globale – du quartier à l’échelle planétaire. Mais les moyens d’action ou d’influence dont elles disposent ne sont pas toujours à la hauteur de cette ambition. Comme l’exprime Lydie Laigle[53] « la question est donc de savoir si tous ces nouveaux chemins de transformation ne concernent qu’une fraction minoritaire (et privilégiée) de la société – ou s’ils vont pouvoir irradier plus largement et produire un nouvel espace politique démocratique, mettant l’écologie à portée des citoyens ». C’est celle de l’élargissement et de l’essaimage de ces initiatives citoyennes ou alternatives – appuyés ou pas par les pouvoirs publics. Du point de vue de la cohésion territoriale un bon exemple nous est donné par la tentative du CAUE de l’Eure de « mettre en système » les initiatives de transition existantes pour les élargir aux espaces délaissés (fonds de vallée, friches industrielles, centre bourgs …) – avec un appel à projet lancé auprès des structures les plus actives (« les pépites ») pour qu’elles contribuent à lancer des projets sur ces territoires[54].

 Le mouvement de la société civile a sa propre dynamique, fondée sur l’engagement collectif et des réseaux de relation horizontaux. Celle-ci ne s’accorde pas nécessairement avec le fonctionnement vertical des institutions. Les collectivités locales et l’Etat peuvent accompagner ces initiatives, les faciliter, les faire connaitre mais leur articulation, leur mise en complémentarité avec les formes classiques d’intervention publique ne va pas de soi. Les intérêts et surtout les cultures sont souvent au départ très différents et leur rapprochement suppose un effort mutuel d’accommodement et de transformation interne qui peut être long[55]. Mais c’est une condition nécessaire pour passer à l’étape suivante qui est la mobilisation de l’ensemble des acteurs et des habitants à l’échelle de tous les territoires : le passage à ce que Bernard Stiegler appelle les « territoires contributifs [56]» – valorisant les capacités, les compétences, les ressources et l’intelligence collective [57]de tous ceux qui y habitent, y exercent des responsabilités ou y ont leurs activités et leurs intérêts. Cette mobilisation ne suppose pas seulement un portage institutionnel et un leadership adapté. Elle passe aussi par une transformation profonde du fonctionnement démocratique des territoires et par une redéfinition de la notion de territoire elle-même. On en évoque souvent aujourd’hui quatre grandes composantes. D’abord, la mise en place – comme à Hanovre ou Bristol – d’alliances locales rassemblant, par exemple autour de l’enjeu climatique – tous les acteurs publics, privés, associatifs ou représentants des quartiers qui sont concernés. Ensuite un fonctionnement démocratique beaucoup plus ouvertreposant sur la coconstruction de projets ou de visions communes et la mise en débat de chemins de transition avec l’ensemble des publics et parties prenantes intéressés. En troisième lieu, la mobilisation des territoires autour de stratégies de résilience permettant de s’adapter à l’incertitude des risques, et centrées sur la protection des populations et des écosystèmes les plus vulnérables. Et enfin la possibilité de nouvelles formes de gestion en bien commun de ressources ou de patrimoines s’affranchissant des limites territoriales existantes et ouvrant la possibilité d’autres modes d’interterritorialité, d’attachements et de mobilisation collective.

La transition écologique – comme la cohésion territoriale – ne passeront pas par l’imposition de mesures venues d’en haut ou le repliement sur des communautés d’intérêt mais par un renouvellement de la démocratie et la construction de passerelles et de solidarités nouvelles entre toutes les composantes de la société. L’enjeu, c’est de réduire tous les effets de coupure qui séparent le local du global, les experts des profanes, l’innovation technique de l’innovation sociale, les régulations économiques ou centralisées de l’action territoriale, les structures institutionnelles de la société et celle-ci de la nature [58]…Il n’y aura pas de solution miracle unique à la crise écologique qui est devant nous ni d’acteur qui puisse seul y faire face. On ne peut, en particulier, attendre des territoires seuls qu’ils puissent en même temps réduire les fractures territoriales et mener la transition écologique. Il y faudra l’engagement de tous – des acteurs locaux, de la société civile, des habitants, mais aussi de l’Etat, de l’Europe et des entreprises. Si la transition écologique peut contribuer demain à une meilleure cohésion sociale ou territoriale c’est aussi de cette cohésion que dépendra son « encore possible » réussite.

 


[1]  Président de l’association Serge Antoine, ancien enseignant à l’EHESS et responsable de la prospective des Ministères de l’Environnement et de l’Equipement, Vice-Président de la Société Française de Prospective.  Le texte a été publié en 2020 par L’Agence nationale pour la cohésion des territoires dans le rapport « La transition écologique comme moteur de la cohésion des territoires » dont il est la synthèse ;

[2] Avec la mise en œuvre du « green new deal » comme priorité affichée de la Commission européenne ;

[3] Source : Ipsos pour la Fondation J. Jaurès, Le Monde et l’Institut Montaigne, 7iéme édition du baromètre sur les fractures françaises, juin 2019 ;

[4] J. Theys, L’approche territoriale du développement durable, condition de la prise en compte de sa dimension sociale, Revue Développement Durable et territoire, Dossier 1, 2002.

[5] Voir J. Theys, « Environnement et climat, d’un demi-siècle à l’autre », Futuribles, N°409, Novembre 2009 ;

[6] Société Française de Prospective, « La Grande transition de l’humanité », éditions FYP éditions, 2018 ;

[7] Menées par un groupe de travail co piloté par la DATAR et le Ministère de l’environnement présidé par D. Macquart – dans le cadre d’un programme intitulé EPICEA centré sur la planification écologique ;

[8] Lucien Chabason et Georges Guignabel, « Aménagement du territoire et environnement », in René Passet et Jacques Theys, « Héritiers du Futur », DATAR, 1995.

[9] Voir Christian Dutertre, Felix Rauschmayer et Jacques Theys, « Le développement durable, la seconde étape », éditions de l’Aube, 2010, ainsi qu’Edwin Zaccai, « 25 ans de développement durable et après ? », PUF, 2011.

[10] Voir dans ce rapport les contributions de Raphael Mathevet sur l’intendance écologique, de Nicolas Buclet sur l’écologie territoriale ainsi que celles de l’AFB sur les régions Bretagne, Pays de la Loire et Grand Est. Sur un plan plus économique voir aussi les ouvrages d’Isabelle Delannoy sur L’Economie symbiotique (Actes sud, 2018) et de Dorothée Benoit Browaeys sur « L’émergence du vivant ; vers une nouvelle économie », Ed Bourin, 2O18.

[11] Rob Hopkins, Manuel de transition : de la dépendance au pétrole à la résilience locale, Ecosociété, 2010 ;

[12] Forum Vie Mobile et OBSECO : Mobilité et modes de vie : quelles aspirations pour le futur ? 2O16 ;

[13] Lise Bourdeau Lepage (dans ce rapport) : « De la nécessité d’aller vers des politiques d’aménagement intégrant le végétal. Les bienfaits du végétal en ville » ;

[14] J. Baratier, JM Beauvais, B. Métais, « Le facteur 4 dans les territoires, trajectoires 2020, 2030, 2050 dans l’agglomération de Tours, Futuribles N°392 consacré à la Société Post Carbone, Janvier 2013 ;

[15] Voir le rapport de D. Morvan au premier ministre sur la création d’une Agence Nationale de Cohésion des territoires (« Un engagement au service des dynamiques territoriales »), Juillet 2018.

[16] Voir le rapport précédent et l’ouvrage « Héritier du Futur » cité en note 8 (1995) et le rapport d’E. Laurent au Ministre de l’égalité des territoires : Vers l’égalité des territoires », La documentation Française, 2013 ;

[17] Source : Jacques Theys : « Inégalités territoriales, la perspective du développement durable » in Eloi Laurent : Vers l’égalité des territoires, dynamiques, mesures, politiques, La Documentation Française, 2013 ;

[18] Voir dans ce rapport les contributions d’Alice Canabate et de Caroline Lejeune – portant sur ces exemples ;

[19] L’empreinte au sol par habitant est de 835 m2 par habitant en France, 565 en Allemagne, 47O en Italie et 430 en Grande Bretagne (Eurostat 2019). Ce ne sont que des moyennes, mais ces différences sont significatives.

[20] Voir dans ce rapport les contributions de Geneviève Pierre sur la transition énergétique dans les campagnes, de Nicole Béguin sur la Réunion et de J.F. Mauro sur la Martinique – ainsi sur les exemples de Loos en Pévèle et Grande Synthe le rapport d’ATEMIS sur « villes pairs et territoires pilotes de la transition » (2019 pour le CGET) ;

[21] Voir la contribution de Lise Bourdeau Lesage sur les bienfaits et l’intégration du végétal en villes ;

[22] Référence aux articles de Caroline Lejeune et Alice Canabate sur la justice écologique, dans ce rapport ;  

[23] Voir la contribution de F. Bourgis sur l’exemple de Saint Quentin en Yvelines ainsi que le rapport publié en Mai 2019 par le CGET sur « Transition écologique et villes moyennes » ;

[24] Voir le scénario « BIOPOLIS » élaboré dans le cadre du programme « Repenser les villes de la Société Post Carbone » publié en 2014 par la mission prospective du ministère de la transition écologique et l’ADEME ;

[25] Voir la contribution de Nicolas Laruelle sur les « Hauts lieux de la transition » dans la région parisienne ;

[26] Cyria Emelianoff et Jacques Theys, » Les contradictions de la ville durable », Revue le Débat, N° 113, 2001 ; ainsi que « Pourquoi les préoccupations sociales et environnementales s’ignorent-elles mutuellement ? », J. Theys, in P. Cornut, T. Bauler et E. Zaccai ; Environnement et inégalités sociales, Université de Bruxelles, 2007.

[27] Voir les contributions du GIP Littoral (N. Castay et G. Vives) sur les impacts du climat sur le littoral Aquitain et de Laurent Roy sur les relations eau climat dans l’Agence de l’eau Rhône – Méditerranée – Corse ainsi que celle d’Elsa Richard sur le thème « Problèmes climatiques et disparités locales : enjeux, exemples et défis pour la cohésion et la coopération territoriale », qui aborde à la fois les thèmes de l’adaptation et de l’atténuation. Un rapport de référence vient d’être publié par le GIEC sur les océans, le niveau de la mer et les glaciers ;    

[28] Image proposée par F. Goux Baudiment dans l’ouvrage « La Grande Transition de l’humanité », opus cité.

[29] Philippe Quirion et Quentin Perrier « La transition énergétique est-elle favorable aux branches à fort contenu en emplois, une approche input – output pour la France, FAERE working paper, 2016 ;

[30] Source : Ministère de la Transition Ecologique et solidaire, Stratégie Nationale Bas Carbone, 2015 :

[31] C’est ce que montrent, notamment les travaux de l’ADEME, les scénarios NEGAWATT ou la prospective sur la ville post carbone (Eric Vidalenc et Jacques Theys, Repenser les villes dans la société post carbone, 2014).

[32] Voir la partie de ce rapport consacrée à la modification des modes de production et de consommation ;

[33]  Sabine Barles : Transition écologique et métabolisme urbain ;

[34] Voir les contributions de Sabine Barles et Nicolas Buclet ainsi l’article de Christian du Tertre dans l’ouvrage « Développement durable, la seconde étape : « le développement durable : quelles articulations micro- macro, une approche institutionnelle », opus cité, 2010 ;

[35] Voir l’article de Zuindeau : La démondialisation par le développement durable, Revue DDT, 2012 ;

[36] Source : IEEFC, ATEMIS, Villes de Grande Synthe, Malaunay, Le Mené, Loos en Gohelle, Villes pairs et territoires pilotes de la transition, résultat de quatre hypothèses de travail, pour le CGET, 2019 ;

[37] T. Vuidel et B. Pasquelin (ATEMIS), dir, Vers une économie de la fonctionnalité à haute valeur sociale et environnementale en 2050, rapport pour l’ADEME, 2017.

[38] Voir la contribution de Geneviève Pierre ;

[39]  Guillaume Sainteny : « La fiscalité peut-elle limiter l’artificialisation des espaces naturels ? », Annales des Mines, 2018. Un enjeu majeur est aussi la compensation des services écologiques rendus par les agriculteurs ;

[40] Cyria Emelianoff, Le développement durable, comment sortir de la quadrature du cercle ? in Serge Wachter et Jacques Theys (dir), L’aménagement durable défis et politique, Editions de l’Aube, 2002.

[41] Stéphane Cordobes, Xavier Desjardins, Martin Vanier (dir), « La nouvelle pensée aménagiste, rénovation complète ? », Colloque de Cerisy, Septembre 2019 ;

[42] Voir Bruno Latour, Où Atterrir, comment s’orienter en politique ? La Découverte, 2017.

[43] Voir dans ce rapport la contribution d’Elsa Richard ;

[44] Gérard Magnin : La transition énergétique des territoires en Europe, CITEGO et collection Passerelles, 2012 ;

[45] Le concept de « terrestrialisation » a été proposé par Cyria Emelianoff en 2011. IL est très proche de celui d’attracteur Terrestre développé dans « Où atterrir ? » de Bruno Latour ;

[46] Jacques Levy, Quelle justice pour l’espace français ? in : E. Laurent (dir), Vers l’égalité des territoires, rapport à la Ministre de l’Egalité des territoires et du logement ? La Documentation Française, 2013.

[47] Sur cette répartition des rôles entre l’Etat et les collectivités locales et la liste de situations manifestement non durables, voir J. Theys : « Inégalités territoriales, la perspective du développement durable », opus cité ;

[48] Source, Cyria Emelianoff, Les pouvoirs locaux dans la mondialisation écologique : remodeler l’environnement planétaire et urbain, Habilitation à diriger les recherches, Université du Maine, 2011.

[49] Voir dans ce rapport les contributions d’Elsa Richard, Laurent Roy (Agence de Bassin RMC), Nicolas Castay et Gaelle Vives (Gip Littoral Aquitain) et P.E. Reymard (Métropole de Toulouse ;

[50] Voir les contributions de Nicolas Buclet et Raphael Mathevet ;

[51] Bertrand Zuindeau, « Equité territoriale, quelles lectures par les théories du développement durable ? », Revue Reflets et perspectives de la vie économique, 2005, 4 (reprise d’une communication de 2002) ;

[52] Parmi les nombreuses références on peut citer les deux numéros de THEMA publiés par le Ministère de la transition écologique (Initiatives citoyennes et transition écologique : quels enjeux pour l’action publique ?– 2017 – et L’action citoyenne, accélératrice des transitions vers des modes de vie plus durables – 2019) ainsi que l’avis du CESE de mars 2019  « Fractures et transitions , réconcilier la France » ,  l’article de Lydie Laigle « Vers des fondements démocratiques de la transition écologique «  (in Colloque Penser l’écologie politique , 2016)  , et enfin l’ouvrage de Julien Dossier , « Renaissance écologique » ,  Actes Sud , 2019.

[53] Lydie Laigle, in Sociétés résilientes, transition écologique et cohésion sociale, Ministère de l’Ecologie,2015 ;

[54] CAUE de l’Eure, atelier de recherche action « Vallées habitées », en réponse à un appel à projet lancé par le Ministère de la transition écologique (source, L’action citoyenne, accélératrice des transitions, opus cité) ;

[55] Voir Yanick Blanc, « La transition institutionnelle », in La Grande Transition de l’humanité, opus cité ;

[56] Bernard Stiegler, Dans la Disruption, comment ne pas devenir fou ? Les liens qui libèrent, 2016 ;

[57] Voir, sur ce thème l’ouvrage fondateur de Jacques Levy : « L’intelligence collective, pour une anthropologie du cyberspace », (La Découverte, 1994) qui met en avant la coexistence nécessaire de quatre « espaces anthropologiques » : la Terre (l’écologie), le territoire, la marchandise et le savoir (et donc le numérique) .

[58] Voir Jacques Theys,  « Transition énergétique, le syndrome de l’éléphant blanc », Revue Projet, N°350, 2016.

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